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115 – Les châtiments de la Terre

Le silence était lourd dans la salle de conférence. Tout le monde fixait Justin du regard alors qu’il prenait ses aises sur sa chaise. Les deux autres habitants de la colonie le dévisagèrent avec colère devant son manque flagrant de tact.

« Il y a de… meilleures façons de dire ces choses-là. » dit Claire.

« Oui, je l’avoue. » répondit Justin. « Mais, ça me surprend d’avoir à vous rappeler que notre colonie est en danger. Le temps que vous auriez pris avant de bien trouver les mots pour expliquer quelque chose d’aussi évident, on serait déjà tous morts. »

« Justin! »

« À voir la tête de nos invités, je crois qu’ils ont besoin d’explications. Vous me réveillerez quand on parlera de choses qui sont réellement importantes. »

 

Félix, à la limite de sa patience, se leva. Il fut cependant retenu par le bras par sa collègue. Ils échangèrent un regard avant que le capitaine ne décide de s’asseoir à nouveau. Justin, de son côté, se mit à fixer le plafond. Bien qu’Emi le trouvait excessivement arrogant, elle décida étrangement de se taire.

« Effectivement… » dit Komotheit. « Je serais curieux de savoir les raisons qui vous empêchent de venir sur Terre, même temporairement. »

« D’accord, j’essaierai d’être bref. » dit Félix. « Cependant, je présume que votre connaissance de l’histoire de la planète Terre est limitée, vu que cela ne fait que quelques mois que vous vivez ici. »

« Emi m’en a parlé un peu. »

« Vous devez donc savoir que nous, les colonies orbitales, existons depuis presque deux cents ans. »

« Oui. La colonisation de l’orbite terrestre était pour donner une chance à votre écosystème, c’est cela? »

« Ce n’est pas loin de la vérité… mais ce n’est pas tout à fait ça. »

« Hein?! » s’exclama Emi. « Mais, c’est ce que l’on apprend à tous les jeunes, dans les écoles! La colonisation était une étape dans le projet de la restauration de la Terre, car la planète était malade! »

 

Claire poussa un soupir.

« Bien que l’état de la Terre était au bord du désastre, ce n’était pas elle qui était malade. C’était nous. » dit-elle.

« Vous voulez dire la race humaine?… » demanda Luna.

« Oui. » répondit Félix. « Nous, en tant qu’espèce, apportions énormément de problèmes à notre écosystème. En premier lieu, nous étions beaucoup trop de terriens. Nous frôlions les onze milliards, comparativement à trois milliards et demi aujourd’hui. »

« Ça devait effectivement être un problème. » dit Komotheit. « La Terre n’ayant aucun lien avec la confédération, vous devez vous autosuffire avec les ressources de votre propre planète uniquement. Avec autant de gens, la planète devait être à sa limite. »

« Dans des conditions optimales, elle aurait effectivement été à sa limite, mais c’était bien pire. Retournez deux cent cinquante ans en arrière et vous verrez que l’espèce humaine traitait notre planète simplement comme un moyen pour atteindre leurs fins. Quand nous avions besoin de ressources, nous n’hésitions jamais à raser une forêt entière, à creuser jusqu’à ce que le sol s’effondre, à vider les habitats naturels de leurs animaux. Quand un écosystème mourrait, on passait au prochain. »

« Personne n’arrêtait ça? » demanda Luna.

« Bien des gens prônaient une utilisation plus sage de nos ressources, mais l’humanité vivait d’une manière beaucoup trop confortable. Les gens ne souffraient pas, alors ils ne faisaient rien. On se contentait d’utiliser le triple des ressources pour faire des babioles inutiles que l’on jetait ensuite. »

« Ce n’est pas tout. » continua Claire. « Quand les ressources furent au bord de l’épuisement, nous avons commencé à jouer à Dieu avec notre environnement. Quand la famine est apparue, nous avons fait des expériences de toute sorte, mélangeant des gênes pour créer de nouvelles plantes et de nouveaux animaux. Des créatures qui étaient plus fortes qui pouvaient survivre n’importe où. »

« Nous voulions être immortels, aussi. » dit Félix. « L’idée de la maladie était inacceptable dans notre société. Nous aseptisions tout autour de nous. Nous avions créé des vaccins pour enrayer toutes les maladies, même les plus bénignes. Même celles qui, au fond, n’existaient pas. »

 

Tout le monde se sentit mal à l’aise. Luna avait les yeux fermés, fulminant à l’intérieur. Emi baissa la tête, tremblante. C’était de sa propre planète que l’on parlait! Pourquoi ignorait-elle tout cela? Qui avait changé l’histoire de l’humanité pour l’embellir ainsi? Même Komotheit semblait ébranlé, sachant qu’une planète confédérée subirait les foudres d’Arcadia si elle agissait ainsi.

« Les gens ne souffraient pas, alors ils ne faisaient rien… » dit Félix, reprenant ses propres mots. « Malheureusement, la planète Terre avait compris cela bien avant nous. »

« C’était horrible. » dit Claire. « Dès que nous étions en contact avec un bien de la Terre, notre vie était en danger. Le simple fait de respirer l’air loin des villes nous étouffait. Si nous mangions un aliment dont les gènes n’étaient pas modifiés, nous devenions malades au point d’en mourir. Même le fait d’être exposé au soleil brûlait notre peau. Les terriens qui vivaient encore dans les endroits ruraux s’en sortaient mieux, mais ceux des milieux urbains ne pouvaient plus quitter les villes. Et puis, à un certain moment, dans notre patrimoine génétique… nous sommes devenus une nouvelle espèce. »

« Et c’est à ce moment que les cataclysmes ont commencé. » continua Félix. « Tremblement de terre, ouragans, tsunamis… Tout se mit à frapper les villes. Le message que la Terre nous envoyait était maintenant clair, elle ne voulait plus de nous. C’est à ce moment que nous avons colonisé l’espace entourant la Terre, pour sauver notre espèce. Seule une mince portion de l’humanité pouvait encore rester sur la planète. Avec notre aide, ils ont pu réparer en grande partie le tort que nous avions fait. »

« C’est pour cela que le secteur industriel est ici maintenant. » conclut Komotheit.

« Oui. La Terre est aujourd’hui un lieu protégé. On ne peut plus faire ce qu’on veut sur elle, mais c’est grâce à cela qu’elle a repris du mieux. Nous, cependant, ne pouvons plus vivre sur ce paradis. Le simple fait d’être dans l’atmosphère terrestre est néfaste pour nous. Nous payons maintenant pour les erreurs de nos ancêtres. »

« C’est… triste. J’en suis vraiment navrée… » dit Emi, se sentant impuissante.

« Non, ça va. » dit Claire pour la rassurer. « Notre sacrifice a permis de restaurer votre planète. »

 

C’est à ce moment que Justin étouffa un léger rire. Félix se tourna vers lui, l’air furieux à nouveau.

« Qui y a-t-il de drôle?! » demanda-t-il.

« Avec ce sacrifice, vous avez réglé un problème juste pour en causer une autre. » dit-il.

« Que voulez-vous dire? » demanda Komotheit.

« La Terre est devenue un paradis, je l’avoue. Un lieu que tous ceux qui sont restés ont voulu s’approprier! Tous les peuples du monde étaient prêts à se battre pour l’acquérir. Certains étaient même prêts à tout détruire ce qui avait été fait!! »

« Je sais… » dit Emi. « Mais tout cela s’est bien terminé, non? Les hauts dirigeants du monde ont travaillé pour éviter la guerre et ils ont réussi à mettre leurs différends de côté! »

 

Justin fronça des sourcils. Il fixa Emi d’un regard haineux alors qu’il se redressa sur sa chaise.

« La guerre a été évitée, tu crois? »

« O-Oui! » répondit la gardienne d’un ton subitement chevrotant. « Les politiciens du monde ont fait comprendre à l’humanité qu’il ne fallait pas se battre… Mon père m’a dit qu’Alex, mon frère, a… »

 

L’homme se leva, frappant la table avec son poing. La gorge d’Emi se noua alors qu’elle vit son regard se remplir d’une haine qu’elle n’avait jamais ressentie auparavant.

« Pauvre conne!! » cria-t-il. « C’est vraiment ça qu’on vous apprend dans les écoles?! Croire à ces conneries, c’est être trop imbécile pour comprendre la nature humaine!! »

« Justin!! Arrête! » l’interrompit Félix, se levant aussi.

« LA FERME, INSIGNIFIANT!! »

 

Komotheit se précipita entre les deux hommes pour éviter que l’affrontement dégénère. Un silence régna dans la salle de conférence pendant plusieurs minutes avant que chacun des hommes reprenne leur siège. Justin fixa Emi de nouveau.

« Une guerre… » dit-il. « Il y en a eu une guerre sur la Terre. Et devine quoi, gardienne? C’est ton frère qui l’a amorcée. »