Le groupe entra à toute vitesse à l’intérieur de l’auberge la plus éloignée du lieu de rassemblement des soldats de Hajnal, s’assurant qu’aucun d’entre eux ne les suivait. Komotheit s’avança vers le comptoir où un homme qui semblait approcher de la cinquantaine l’accueillit.
« Bonsoir, que puis-je faire pour vous? »
« J’ai besoin d’une chambre pour quatre personnes. » dit le crystaliste. « Je n’ai que de l’argent en cort, mais je suis prêt à payer le triple du prix pour que Hajnal ne sache jamais que nous sommes passés ici. »
« Nous prenons la monnaie de la confédération et je refuse d’aider les chiens qui servent Hajnal. » répondit l’homme. « Malheureusement, ma plus grande chambre n’a que deux lits. »
« Deux lits feront l’affaire. »
« D’accord. Ça sera 500 ¤, payables à votre départ. » dit le quadragénaire en lui remettant la clé de la chambre.
« Merci énormément. »
« Est-ce que les choses se sont calmées dehors? » demanda l’homme.
« Oui, pour le moment. Dès que les rebelles ont vu que les forces militaires se rassemblaient pour les affronter, ils se sont dispersés en quittant la ville. L’attaque n’a duré qu’une quinzaine de minutes. »
« C’est une des stratégies de la meute : faire de brèves attaques pour les forcer à se préparer pour absolument rien. »
« La meute, vous dites? »
« Vous ne venez pas de Taron, je vois… Que diriez-vous de discuter de cela à table? Je n’ai pas d’autres clients ce soir et vous êtes arrivés à temps pour le repas inclus dans le prix de votre chambre. »
« Bonne idée. Nous allons visiter la chambre et nous vous rejoindrons par la suite. »
« La salle à manger est juste à gauche de l’escalier, je vais vous y attendre. »
Le groupe monta alors dans la chambre pour y jeter un coup d’œil. La décoration lui donnait une atmosphère accueillante et les lits étaient assez grands pour y coucher deux personnes chacun. Mejin allait probablement dormir seul de son côté, tandis qu’Emi et Sora se partageront l’autre lit.
Alors que les autres inspectaient le confort de leur lit, Komotheit sortit par la fenêtre pour aller sur le toit de l’auberge afin d’examiner les environs. Il étudia les possibilités de s’enfuir et conçut quelques stratégies pour combattre Hajnal dans le cas où ils viendraient ici.
« Komo!! » appela Emi. « Tu viens manger, ou non? »
« Allez-y, je vous rejoins! »
L’homme de l’espace termina son inspection, puis sauta du toit pour arriver devant la porte, qu’il traversa ensuite. Il se dirigea vers la salle à manger, où tout le monde l’attendait. Il prit place à côté de Sora et commença à manger dès que le repas fut servi. Le groupe n’avait pas eu un bon repas depuis qu’ils étaient partis de la planète Arcadia, ne mangeant que de la nourriture instantanée qui n’était pas très ragoûtante.
Emi, en particulier, dévora le contenu de son assiette, car la sensation de faiblesse qu’elle avait ressentie plus tôt l’avait laissée avec une atroce famine. Après avoir mangé un peu, elle jeta secrètement un regard vers sa main qui, à son grand soulagement, avait cessé de trembler frénétiquement. C’est alors que la jeune demoiselle réalisa que depuis quelques semaines, elle avait toujours une faim insatiable. Ne désirant pas trop s’inquiéter avec cela, elle se raisonna, se disant que son état était seulement passager.
« Alors… » débuta Komotheit, regardant l’aubergiste. « Que pouvez-vous nous dire sur cette meute? »
« Pour pouvoir bien comprendre l’ampleur de la situation présente, je vais commencer par l’histoire de Hajnal. »
« Nous savons déjà que Hajnal est un groupe de crime organisé qui se spécialise dans le trafic de drogue, d’armes et d’esclaves. »
« Oui, cela était le cas il y a trois ans. Ils n’étaient que des criminels de petite envergure, ne faisant que vendre et transporter de la marchandise de contrebande d’une planète à l’autre. Ils ne travaillaient que dans l’ombre du système Rhan-Kahal, loin des yeux du public en général. Les forces de l’ordre les avaient toutefois bien à l’œil et une grande opération fut mise en place pour éliminer leurs activités une fois pour toutes. »
« Ils ont échoué? »
« Non, ironiquement. L’opération a été un succès et la plupart des membres, ainsi que tous les dirigeants, ont été arrêtés. À ce moment-là, on pensait tous que la bande était démantelée, mais quelques mois plus tard, ils ont trouvé un moyen de renaître de leurs cendres. »
« Que s’est-il passé? » demanda Mejin.
« Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils ont eu une sorte de restructuration complète. Ils ont de nouveaux membres, leur nombre s’élevant à plusieurs millions. Armés comme jamais auparavant, ils possèdent maintenant une force de frappe qui peut tenir tête aux forces de l’ordre. Hajnal est devenu une puissante armée, prête à conquérir le système solaire. »
« Ont-ils vaincu les forces de l’ordre? »
« Non. Hajnal a fait pire que ça. Ils ont littéralement acheté la fédération de Rhan-Kahal. »
Tout le monde à table fut stupéfait devant ce que venait de dire l’aubergiste. Mejin pâlit, ne pouvant pas croire que c’était possible de traiter des planètes comme de la marchandise. Sora, malgré le fait qu’elle ne comprenait pas entièrement la situation, pouvait en ressentir la gravité. La jeune gardienne serra les poings, outrée de cette affaire.
« C’est complètement ridicule!! » s’exclama Emi d’un ton révolté. « Personne n’a tenté d’arrêter cela?! Les gardiens planétaires ont tout simplement laissé faire ça?! »
« Emi!! » dit sèchement Komotheit pour la ramener à l’ordre.
« Quoi?! »
« Ce n’est pas toutes les planètes qui ont des gardiens élus pour les protéger. À vrai dire, c’est une pratique ancienne qui remonte au début de l’univers. Depuis la création de la grande confédération universelle, les peuples de l’univers sont souvent dirigés par des structures gouvernementales qui assurent aussi leur protection. Donc, la tradition des gardiens planétaires est malheureusement jugée de moins en moins nécessaire. »
« Argh… c’est débile!! Sans gardien, n’importe qui peut faire ce qu’il veut! »
« J’avoue qu’elle a raison. » dit l’aubergiste, soupirant. « Les personnes qui faisaient respecter la loi n’ont pas eu d’autre choix que de se joindre à la puissance de Hajnal. Les seuls qui leur tiennent encore tête, c’est cette bande de délinquants… »
« La meute que vous avez mentionnée plus tôt? » demanda Komotheit.
« Oui. Ce ne sont que de jeunes criminels qui expriment leur révolte envers Hajnal en les attaquant n’importe où et n’importe quand, même s’il y a des innocents. Ils n’ont aucune morale et se contrefichent des conséquences de leurs actes. Un jour, Hajnal se fatiguera et ils riposteront en tuant tous ceux qu’ils suspectent d’en être membres. Alors, tenez-vous loin d’eux. »
C’est à ce moment que la porte de l’auberge s’ouvrit. Komotheit se mit en état d’alerte, au cas où ce serait des soldats qui venaient d’entrer. Quelques pas se firent entendre et l’aubergiste gronda en se levant de son siège pour aller rejoindre la personne dans le vestibule.
« Où diable étais-tu?! » cria l’homme. « Tu ne te souviens pas que c’est dangereux de te promener à cette heure-là?! »
« C’est quoi ton problème?! » hurla la voix d’une adolescente.
« Tu le sais que la meute rôde partout en ville!! Ils ont encore fait une attaque!! »
« J’étais avec mon copain!! Merde, quand vas-tu me laisser vivre? »
« Le jour où tu prendras tes responsabilités!! Depuis que ta mère n’est plus là, je fais fonctionner cette auberge seul!! »
« Tu n’as qu’à mettre la clé dedans!! »
« Argh!! Va dans ta chambre!! » hurla l’aubergiste, mettant un terme à l’engueulade.
Il revint dans la salle à manger et le groupe remarqua que ses yeux étaient mouillés par l’émotion. Il se rassit auprès de ses invités, fixant la table.
« Je suis… terriblement désolé. » dit-il. « Depuis que ma femme est décédée dans une descente de Hajnal il y a un an, j’ai complètement perdu l’autorité que j’avais sur ma fille. »
« Ne vous inquiétez pas avec cela. » dit Mejin. « Vous ne faisiez que ce qu’il vous semblait le mieux pour votre fille. Il n’y a pas de problème. »
Emi tourna la tête en direction du vestibule et elle vit l’adolescente passer devant la porte de la salle à manger. C’est à ce moment qu’elle remarqua qu’elle boitait. La Gardienne de la Terre fronça alors les sourcils, devinant qui elle était réellement.