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114 – Le dilemme

Le groupe était à bord d’une sorte de véhicule antigravité piloté par Justin, qui fonctionnait un peu sur le même principe que les lévicycles sur Taron. Cela était surprenant pour Emi, car les voitures terriennes étaient encore des véhicules sur roues. Malgré l’essor de la technologie depuis les derniers siècles, comme celle de la propulsion antigravité, les habitants de la Terre se contentaient de l’utiliser pour protéger la planète plutôt qu’améliorer leur quotidien. Sur les colonies par contre, ces avancées apparaissaient partout.

 

Emi leva les yeux, ébahie de voir d’autres plaines vertes au-dessus de sa tête. La surface intérieure du cylindre géant était divisée sur sa longueur en six parties. Trois d’entre elles ressemblaient à des fenêtres qui donnaient une vue sur l’espace. Pour simuler le jour et la nuit, des miroirs étaient progressivement alignés pour permettre de réfléchir la lumière du soleil à l’intérieur de la colonie.

 

Les autres parties étaient les régions où pouvaient résider les habitants de la colonie. Bien que l’aménagement était majoritairement urbain, il y avait énormément d’espaces verts et des cours d’eau autour et à l’intérieur des villes. Ces jardins photosynthétiques étaient nécessaires pour réguler la qualité de l’air à l’intérieur de l’habitat spatial. On pouvait aussi voir que quelques zones de la colonie étaient destinées à l’agriculture, permettant à la colonie d’Andromède d’être autosuffisante.

« J’ai l’impression d’être sur une autre planète… » dit Emi d’un ton rêveur.

« J’avoue que ce n’est pas du tout comme sur Terre. » dit Komotheit. « On dirait une planète à mi-chemin entre la Terre et Arcadia. »

« J’ai toujours trouvé ça drôle les réactions des terriens quand ils viennent ici pour la première fois! C’est assez rare par contre… » dit Félix.

 

Luna regarda au loin, le véhicule étant maintenant arrêté à une intersection d’un centre-ville. La mage constata alors que tous les habitants de la colonie avaient un teint blême comme Félix et Claire, ce qui la rendit un peu inquiète. Elle remarqua aussi que l’air qu’elle respirait était étrange, comme si elle était… trop propre. Luna avait visité bien des planètes durant ses voyages, mais aussi quelques habitats artificiels. L’air filtré et contrôlé à la perfection de ces lieux lui donnait une certaine odeur que la mage détestait. C’était trop artificiel, trop aseptisé pour elle.

« Est-ce que ça va?… » demanda Aki.

« Oui, je vais bien… » soupira Luna, couvrant son nez avec sa manche.

« Euh… Luna… c’est ça ton nom? »

« Oui… »

« Est ce que… j’ai fait quelque chose de mal?… »

« Q…Quoi? »

 

Luna se tourna alors vers l’adolescente. La mage était toujours chaleureuse avec tous les gens qu’elle rencontrait, peu importe qui ils étaient. Elle réalisa alors que, contrairement à sa nature, elle était froide et distante avec elle depuis le début. Elle ne lui adressait pas la parole et ne la regardait presque jamais. Aki avait donc l’impression que Luna la détestait.

« Luna… » dit Aki. « Je sais que mon père, après avoir été seul pendant longtemps, a finalement trouvé des gens qui l’aiment… Je ne veux pas que tu penses que je veux garder mon père pour moi seul… Je ne cherche pas juste mon père, mais aussi une famille. Je veux tous vous connaître, me lier d’amitié avec vous… C’est pour ça que si j’ai fait ou dit quelque chose de mal, je m’en excuse… »

« Euh… » répondit la mage. « C’est juste que ta venue a vraiment été un choc pour nous tous… On ne comprend toujours pas d’où tu viens… Mais, ce n’est pas une raison pour t’avoir traitée comme je l’ai fait. J’en suis vraiment désolée, ce n’est pas dans mes habitudes. J’espère que tu n’auras pas une mauvaise image de moi. »

« Pas du tout! Je comprends que tu tiens à Komotheit, tu es son amie d’enfance après tout… »

« Quoi?… Comment sait-elle ça? » pensa Luna.

 

Avant que la mage pût poser la question, Akaoï, qui était caché dans le manteau de l’adolescente, sortit la tête de ce dernier. Il poussa un petit rugissement, attirant l’attention de tout le monde.

« On a un passager clandestin! » plaisanta Félix.

« Tu devais étouffer là-dedans! » dit Claire.

« Je suis désolée!! » s’exclama Aki. « Je voulais qu’il reste dans le vaisseau, mais il ne voulait pas me quitter… C’était plus fort que lui! »

« C’est bizarre. » dit Komotheit. « Il ne m’a pas suivi quand j’ai quitté la Terre pour Arcadia… »

« Il t’en a voulu! » s’exclama la gardienne. « Tu ne te souviens pas de la tête qu’il t’a faite lorsque nous sommes revenus? J’étais certaine qu’il allait te dévorer! »

« Tu n’exagères pas un peu, Emi?… »

« Un dragon… » dit Félix. « Cela fait longtemps que l’on n’en a pas vu… Pas depuis le temps qu’Alex était là… »

« Il y a eu d’autres dragons sur Terre? » demanda Komotheit.

« Bien… un seul. Je ne me rappelle plus de son nom, mais c’était le dragon qui accompagnait Alex à l’époque où il a aidé à l’unification des peuples de la Terre. »

« Hein?! Alex avait un dragon?! » s’exclama Emi, surprise. « Je ne l’ai jamais vu et il ne m’en a jamais parlé! »

« C’était il y a longtemps, ma jeune gardienne, avant même que tu ne sois au monde! Quand la paix fut finalement installée, nous avons arrêté de voir cette majestueuse créature. Comme s’il avait quitté notre monde après avoir rempli son devoir… »

« Attends, Félix. » dit Claire. « Peut-être que l’apparition de ce dragon est liée à quelque chose. Peut-être aidera-t-il à protéger la Terre un jour? On ne sait jamais! »

 

C’est à ce moment que le groupe arriva à un bâtiment aux limites de l’une des villes. Ils avaient parcouru une longue distance déjà et pouvaient maintenant voir l’extrémité du cylindre géant à quelques kilomètres. Félix se leva en premier, faisant signe à tout le monde de le suivre à l’intérieur. Justin resta derrière, toujours silencieux, continuant à fixer Emi du coin de l’œil.

 

Le groupe arriva dans une petite salle de conférence. Des gardes armés étaient postés à la porte. Ils saluèrent Félix d’un signe de la tête, laissant tout le monde entrer. Alors qu’ils prenaient tous un siège, Komotheit, fidèle à son habitude, se contenta de s’adosser à l’un des murs.

« Vous… pouvez vous asseoir. » lui dit Claire.

« Laissez-faire. » dit Emi. « Ça fait partie de son image de “dur à cuire”. »

« Emi, on n’a pas le temps pour ça. » l’interrompit Luna.

« Merci, Luna. » ajouta Komotheit.

« Bon… ne tardons pas. » dit Félix. « La raison pour laquelle nous avons fait appel à vous, c’est qu’Andromède est tenue en otage. Quelqu’un a trouvé un moyen d’infiltrer la colonie. Il est en ce moment dans la paroi de la colonie où est situé notre système de support vital. Il menace de tout détruire, condamnant la colonie et ses habitants, si nous ne nous plions pas à ses demandes. »

« Pourquoi avez-vous fait appel à Komo au lieu de moi? » demanda Emi.

« Bien… cet individu demande qu’on lui livre l’homme de l’espace pour qu’il laisse la colonie saine et sauve. »

 

Tout le monde fut ébahi d’entendre cela. Qui voudrait voir Komotheit au point de prendre une colonie terrienne en otage? Luna eut un horrible pressentiment à nouveau, son cœur commençant à battre rapidement. Aki devint blanche comme un drap, baissant ses yeux écarquillés. Komotheit, quant à lui, s’avança vers Félix, déterminé à passer immédiatement à l’action.

« D’accord, je vais y aller. » dit-il.

« Quoi?! Tu as perdu la tête?! » s’exclama Emi d’un ton affolé.

« Je n’ai jamais dit que j’allais me livrer à lui. Félix, il faut d’abord évacuer la colonie orbitale le plus rapidement possible. »

« C’est… impossible. » dit Félix. « Nous l’avons envisagé, mais les autres colonies sont déjà près de leur capacité maximale. Pour pouvoir évacuer tout le monde, il faudrait envoyer des petits groupes dans toutes les autres colonies. Nous n’avons pas assez de temps pour cela. De plus, cela attirerait l’attention de notre agresseur, qui pourrait passer à l’action! »

« Je vais m’occuper de lui. Mais pour les habitants, vous n’avez pas à les envoyer sur les autres colonies! Évacuez-les vers la Terre! »

« Nous… ne le pouvons pas. »

« Pourquoi? Même pas temporairement? »

 

Un malaise se fit sentir dans la salle. Il était évident que Félix tentait de trouver les mots pour expliquer pourquoi cette option n’était pas envisageable. Même Claire était visiblement mal à l’aise. Après un moment, Justin poussa un long soupir avant de prendre la parole.

« C’est simple. » dit-il sèchement. « Les habitants des colonies sont incapables de survivre sur Terre. »