Après un généreux repas, qui était suivi d’un savoureux dessert fait par la mère d’Emi, Aki aida Komotheit à débarrasser la table. Pendant qu’Emi sortait un petit radio portatif pour créer une ambiance musicale, ses parents se partagèrent la tâche de laver la vaisselle malgré les protestations de leur hôte. Luna s’occupa de nettoyer la table et Mejin prit les restes pour les mettre dans des plats refermables. Il les plaça ensuite dans le réfrigérateur. La cuisine et la salle à manger furent propres en un rien de temps.
« Alors, qui prendra un digestif? » demanda Komotheit.
« J’en prendrais un! » dit Emi.
Le crystaliste déposa quelques bouteilles sur la table ainsi que des verres. Mejin, qui semblait inquiet, s’approcha de lui et posa une main sur son épaule.
« Écoute, Komotheit… » chuchota-t-il. « Sans vouloir te vexer, j’espère que tu seras raisonnable ce soir… »
« Je n’ai pas l’intention de prendre quoi que soit, Mejin. »
Le moine resta surpris en entendant cela. Il réalisa alors que chaque fois que Komotheit prenait un verre, c’était dans des moments où il se sentait morose. Ce soir cependant, il semblait s’amuser grandement, alors il n’en avait pas besoin. Le crystaliste prit une bouteille, versa de son contenu dans un verre et le donna à Luna.
« J’ai trouvé cela, l’autre jour. Je suis sûr que tu vas l’aimer! » dit-il.
« Euh… » répondit la mage. « C’est que… je ne bois vraiment pas souvent… En fait… qu’est-ce que c’est? »
« C’est une surprise. Essaie! Si tu n’aimes pas, ce n’est pas grave! »
Incertaine, elle prit le verre de liquide transparent. Luna n’osa pas humer l’odeur, craignant de changer d’idée si l’effluve était trop fort. Au fond d’elle, même si Komotheit ne la forçait pas, elle ne voulait pas le décevoir. Après avoir fermé les yeux, elle porta le verre à ses lèvres et les trempa ensuite dans le digestif. Ce fut l’amour au premier goût.
« Et puis? » demanda Komotheit, souriant.
« Cela goûte la menthe! »
« C’est de la crème de menthe, Luna! Tu aimes? »
« J’adore!! »
Emi s’approcha ensuite de Komotheit, tenant une bouteille sur laquelle était inscrit quelque chose dans une langue étrangère. Le crystaliste la regarda avec de grands yeux, car c’était son spiritueux préféré.
« Je peux en prendre, Komo? »
« Tu es certaine que tu vas le supporter? »
« Je suis capable de faire face à n’importe quoi!! »
« D’accord. J’ai hâte de voir ça. »
Komotheit remplit le fond d’un verre de Xylian et le donna ensuite à Emi. Il tenta de cacher son sourire alors que la jeune demoiselle cala bravement le verre d’un seul coup, comme elle l’avait fait avec Keith sur Arcadia. Les yeux grands ouverts et remplis de larmes, les joues d’Emi devinrent rouge pivoine. Elle frappa la table avec son poing, tentant de reprendre son souffle. Après un moment, elle leva la tête et regarda Komotheit, forçant un sourire.
« Ce n’était… pas… si pire que ça… » dit-elle d’une voix rauque.
« Essaie de me faire croire ça. Tu en veux un autre? »
« Non… j’ai déjà prouvé que j’étais capable… »
Le crystaliste se mit à rire, faisant rougir Emi davantage. Tout le monde semblait ravi de voir Komotheit s’amuser autant. Il avait l’air si serein, si enjoué! C’était un côté de lui que tout le monde ignorait! Luna était particulièrement heureuse, se remémorant le petit garçon folâtre de ses souvenirs d’enfant. Elle poussa un soupir nostalgique, le coeur léger.
« Qui veut faire un concours de bras de fer? » demanda le père d’Emi.
« Je pourrais m’essayer contre vous, si cela ne vous dérange pas. » répondit Mejin.
Les deux adversaires s’assirent l’un en face de l’autre. Il y avait seulement la mère d’Emi ainsi que Luna qui restaient à l’écart, désirant laisser la place à ceux qui voulaient voir cette compétition remplie de testostérone alors qu’elles papotaient. Quand le signal fut donné, ils utilisèrent toute leur force pour tenter de faire plier l’autre.
« Ça a l’air d’être égal… » nota Aki.
« En fait, je crois que c’est Mejin qui va gagner… » dit Komotheit.
« Tu es sûr? » demanda Emi.
« Regardez! »
Après un moment, Mejin réussit à poser la main du père d’Emi contre la table. Le moine se sentit fier de lui, n’ayant pas cru qu’il était de taille contre quelqu’un qui semblait être plus en forme que lui. C’est alors que la gardienne alla voir Komotheit, le dévisageant.
« Allez, viens Komo. » dit-elle. « Montre-moi ce que tu as dans le ventre! »
« Non, tu n’es pas sérieuse? » répondit le crystaliste.
« Tu ne crois pas faire le poids contre moi? »
« Hah!! Tu veux rire? Je serais capable de te battre n’importe quand! Je ne veux pas mettre ma table en miettes, c’est tout. »
« Me battre n’importe quand, tu dis? Montre-le, alors! »
Le crystaliste fronça les sourcils, se levant de sa chaise. Il la fixa en se dirigeant vers l’endroit où était Mejin, acceptant le défi. Emi sembla s’en réjouir alors qu’elle se positionna en face de lui, prenant la main de son adversaire. Le silence régnait dans la maison, alors que tout le monde entourait la table. Avec deux personnes dotées d’une telle force, tout pouvait arriver!
« Écoute. » dit Komotheit. « Pas d’énergie pour augmenter ta force, sinon tu perds par défaut. »
« Ça va pour toi aussi!! » répondit-elle.
« Aki, donne le signal. »
« D’accord! » dit l’adolescente, suivi d’un silence. « …Allez-y! »
La maison complète sembla être en apesanteur, la poussière lévitant lentement. Même si c’était seulement leur force physique qui était à l’œuvre, l’air devint dense autour d’eux. La table ployait légèrement sous l’incroyable puissance à l’œuvre.
« Vas-y, Komotheit!! » s’exclama le père d’Emi.
« Hé!! » s’exclama Emi. « Tu es censé encourager ta fille! »
Sa mère jeta un regard vers son mari, lui donnant un petit coup de coude dans les côtes. Komotheit ne bronchait pas, tenant tête à Emi. Il était évident qu’elle tentait par tous les moyens de le faire bouger, en vain. Après un moment, le crystaliste lui sourit et posa la main de la gardienne contre la table, comme si ce n’était rien.
« Voilà!! » dit-il. « Tu es forte… mais tu as encore du chemin à faire avant de me rejoindre!! »
« Ce n’est pas juste!! »
« Quoi, tu voulais que je te laisse gagner? Jamais je ne ferai ça, ma chère. »
« Un jour, je vais te vaincre, Komotheit! Crois-moi! »
C’est alors qu’ils entendirent un bruit venant de l’extérieur. Komotheit se leva et prit son manteau avant d’aller ouvrir la porte d’entrée pour sortir dehors.
« Ah! Akaoï! » dit-il. « J’espère qu’il ne fait pas trop froid dehors pour toi. »
Le dragon de Komotheit semblait pourtant s’y plaire. C’était son premier hiver et il adorait la neige, pouvant passer des journées entières dehors. Il se faisait un plaisir de voler au-dessus de la forêt et de la ville. Le crystaliste ne s’y opposait pas, car il voyait Akaoï grandir à vue d’œil.
Quand il se tenait debout, il avait près d’un mètre de hauteur. L’envergure de ses ailes devenait de plus en plus importante, ainsi que la longueur de sa queue. Akaoï renversait souvent la table de la cuisine à cause de cela. Komotheit savait qu’il n’était pas encore à sa taille adulte et se demandait à quel point il serait immense. Mieux vaut l’habituer maintenant à vivre à l’extérieur de la maison!
« Je ne sais pas si c’est une bonne idée que tu entres. » dit Komotheit. « On a beaucoup d’invités à l’intérieur, mais je suis sûr qu’ils viendront tous te voir! »
Akaoï sembla ravi et Komotheit posa la main sur sa tête pour la caresser. C’est alors que le crystaliste sentit une légère raideur dans son bras.
« Aïe… » pensa-t-il. « Elle est vraiment forte quand elle s’y met. Ce n’est pas pour rien que je la laisse s’entraîner toute seule maintenant. »
Komotheit ne put s’empêcher de sourire à nouveau. Il commençait à voir le potentiel que Morgan lui avait parlé sur Arcadia et il était maintenant curieux de le voir s’épanouir.