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149 – Plus rien à faire

Saeran se tenait sur le toit du siège social de la NOA, regardant au loin. C’était le crépuscule partout sur Arcadia. La luminosité des satellites solaires diminuait peu à peu, et les formes géométriques qui se déplaçaient dans le ciel apparaissaient de nouveau. On pouvait voir de brillants orbes se promener entre les bâtiments de la ville. Le général leva les yeux, observant le ciel étoilé qui se découvrait.

 

Des bruits de pas se firent entendre derrière Saeran. Le général cependant ne se retournera pas, ayant anticipé que Morgan voudrait le voir avant qu’il aille à la rencontre de Komotheit. Le vétéran avait pris des arrangements à contrecœur, ayant barricadé un secteur inhabité de la planète. Ainsi, si un combat arrivait, ils seraient loin des citoyens.

« Saeran… » dit Morgan.

« N’essaie pas de m’en dissuader. » répondit-il. « Je répondrai à son appel. »

« Écoute… Il n’y a pas un autre moyen?… »

« Que ce soit ici ou ailleurs, cette rencontre est inévitable. Il est mieux que ce soit ici, sur Arcadia. »

 

Morgan s’approcha, se tenant à côté de Saeran. Il était visiblement troublé par l’idée de ce qui pouvait arriver ce soir.

« Pourquoi fais-tu cela, Saeran?… » dit-il. « Il ne pose plus une menace pour la confédération depuis bien longtemps. Pourquoi t’en prends-tu encore à lui? »

 

Le général poussa un soupir.

« Tu sais… » dit Saeran. « J’étais seulement un enfant quand nous nous sommes vus pour la première fois. Déjà là, j’avais ces marques sur mon visage, en souvenir du calvaire de mon enfance. À la pointe d’une dague, j’avais tenté de te subtiliser ton argent pour pouvoir manger, ignorant qui tu étais. »

« Saeran… » tenta d’interrompre Morgan.

« Je n’étais rien, je n’avais aucune famille ni aucun lieu pour aller. Tu aurais pu me mettre au cachot, pour m’en être pris à l’homme le plus influent sur Arcadia, mais tu as décidé de me prendre sous ton aile. Grâce à toi, j’ai gravi les échelons de la NOA, devenant son soldat le plus respecté. Grâce à toi, j’ai connu ce qu’était la véritable force quand on a quelque chose à protéger. Grâce à toi, je suis devenu quelqu’un alors que je n’étais rien. Pour moi, tu es le père que j’aurais dû avoir. »

« Où veux-tu en venir?… »

« Tout ce temps… Il y a toujours quelque chose que tu m’as répété sans cesse. »

« De toujours suivre ce que ton cœur croit qui est juste?… »

 

Morgan baissa la tête. Le vétéran comprenait qu’il n’y avait plus rien à faire. Aucun mot ni aucun geste ne pouvaient l’arrêter.

« Oui. » répondit Saeran. « Shadow, que tu veuilles le croire ou non, a trahi la NOA. Bien que tout le monde dit qu’il a changé depuis, mon cœur me dit qu’il doit faire face à ses actes. Je dois le faire, Morgan, car c’est ce que je crois qui est juste. »

 

L’interface-bracelet du général scintilla et traça une petite forme sur son poignet. C’était près d’être l’heure. Saeran s’avança vers le bord de l’édifice, mais Morgan le prit doucement par l’épaule pour le retenir.

« Saeran… » dit-il.

« Quoi? »

« Tout au long de cette rencontre, ne cesse pas d’écouter ton coeur, d’accord? »

« Oui. Merci Morgan. »

 

Saeran bondit du toit, sautant d’un édifice à l’autre en direction du lieu de rencontre. Morgan le regarda, l’air nostalgique. Même si leurs opinions divergeaient souvent, il était fier de ce qu’était devenu l’homme qu’il considérait maintenant comme un fils. Au fond de lui, il espérait qu’un jour lui et Komotheit deviennent des alliés plutôt que des ennemis.

 

***

 

Komotheit et Catherine étaient seuls dans son appartement, assis sur le canapé. Ayant diminué la température pour le confort du crystaliste, la générale portait un chandail à manches longues. Catherine fixait le plancher, sa jambe tressautant par la nervosité. Elle était déchirée, car, comme Morgan, elle ne pouvait supporter l’idée d’un combat entre deux personnes qui étaient si précieuses à ses yeux.

 

Tout à coup, l’interface-bracelet de Komotheit scintilla, lui signalant qu’il restait environ 30 minutes avant l’heure de la rencontre. Le crystaliste se leva et se dirigea vers la fenêtre. Catherine se leva aussi, se plaçant sur son chemin.

« K-Komotheit! »

« Catherine, je dois y aller. »

« Laisse-moi… v-venir avec t-toi!! »

« Non… c’est hors de question. Si tu viens, Saeran pourrait t’envoyer en cour martiale s’il juge que tu es complice. »

« S-Sarean ne f-ferait jamais c-cela! »

« C’est quelque chose que je dois faire seul, Catherine! »

 

Serrant les dents, elle posa ses mains sur les épaules de Komotheit. Elle tremblait vivement. Elle posa sa tête sur la poitrine de son ami.

« Tu… Tu ne… ne… » bredouilla-t-elle, à peine capable de mettre un mot devant l’autre.

« Quoi…? »

« Tu ne… p-peux pas le… v-vaincre. Je… le sais q-que tu es… p-puissant… »

« On le découvrira, alors. »

« Komotheit!! Même moi je n’ai aucune chance contre lui!! » dit-elle d’un trait.

 

Elle le fixa avec de grands yeux rougis. Komotheit prit ses mains et les retira doucement de ses épaules. Se sentant impuissante, elle laissa retomber ses bras de chaque côté de son corps.

« Il y a plus en jeu que ce que tu crois, Catherine. Je vais revenir, je te le promets. Je trouverai un moyen de mettre un terme à la légende de Shadow. »

 

Le crystaliste s’avança vers la fenêtre et l’ouvrit. Alors qu’il sortait, Catherine restait immobile, n’osant pas le regarder quitter son appartement. Il n’y avait plus rien à faire. Tout ce qui restait, c’était l’attente et l’espoir qu’un jour la paix viendra entre Komotheit et Saeran.

 

Vif comme l’éclair, le crystaliste sauta d’un toit à l’autre. Les bâtiments au-dessus desquels il sautait illuminaient la ville grâce aux néons qui sillonnaient leur structure. Cependant, au fur et à mesure qu’il s’éloignait du centre-ville, il faisait de plus en plus sombre, la seule source de lumière étant les étoiles. Quelques instants plus tard, il avait quitté la métropole. Il courait sur une sorte de plancher métallique qui semblait s’étirer à des kilomètres vers l’obscurité.

 

Après un moment, la ville n’était plus qu’un simple pilier de lumière à l’horizon. Komotheit leva les yeux et vit dans le ciel des centaines d’orbes rouges lumineuses qui formaient une sorte de quadrillage. C’était un mur virtuel qui désignait les zones où il était interdit de pénétrer. Ces sphères étaient aussi des capteurs qui avertissaient la NOA si quelqu’un qui n’était pas autorisé s’aventurait à cet endroit.

 

C’était le lieu du rendez-vous, alors le bracelet de Komotheit communiqua avec le mur pour signaler qu’il avait le droit de passer. Une fois entré dans la zone, il continua pendant quelques minutes avant de s’arrêter. Aussitôt, il vit Saeran bondir dans le ciel, atterrissant juste devant lui. C’est alors que les interfaces-bracelets des deux hommes, simultanément, se mirent à scintiller et à émettre un son.