Alors que Farkas et Komotheit se dirigeaient vers un entrepôt abandonné sur le haut d’une colline au nord, les autres membres se dispersèrent dans la ville. Ils scrutèrent furtivement les rues pour détecter les emplacements des patrouilles d’Hajnal, afin d’avertir leur chef des quartiers à éviter. Chose rare, les troupes étaient tranquilles et les rues n’étaient pas trop engorgées. Les conditions n’auraient pas pu être plus idéales.
Le groupe terrien, ainsi que leurs protecteurs, étaient à l’un des postes qui se situait tout près de l’entrée de la ville. Ils pouvaient voir, sur le toit de l’entrepôt, les rayons de lumière que projetaient les lévicycles de Komotheit et Farkas. Le cœur d’Emi battait à tout rompre. Elle était nerveuse à l’idée d’une course à plus de 200 kilomètres à l’heure en plein trafic. Quelque chose d’autre semblait aussi l’énerver, une sorte de présence qui la dérangeait, mais elle ne pouvait pas mettre le doigt dessus.
« Elle va le dominer du début à la fin. » dit l’un des rebelles.
« Ne sois pas si certain! » s’exclama Emi, tentant de cacher son anxiété.
« Oublie ça. Jamais personne n’a été capable de battre Farkas. Dans cette ville, c’est elle qui est maître. »
Une des membres de la meute s’approcha du rebord de l’édifice, une sorte de bâtonnet lumineux dans sa main. Komotheit et Farkas se positionnèrent côte à côte en faisant gronder leurs lévicycles alors que la jeune rebelle tenait le bâtonnet dans les airs, prête à donner le signal. Le cœur d’Emi ne fit qu’un tour quand l’objet lumineux quitta ses mains et tous les yeux étaient maintenant rivés sur l’entrepôt.
Une éternité sembla passer avant que le bâtonnet touche le sol, mais aussitôt que son extrémité se heurta à l’immeuble, les véhicules de lumière se propulsèrent à une vitesse fulgurante, passant tout près de la jeune signaleuse. Quittant le toit de l’édifice, les deux lévicycles firent un vol plané, passant juste au-dessus de la clôture qui entourait le stationnement. Une vague de flammèches lumineuses jaillit lorsque les véhicules touchèrent le sol, les deux adversaires défilant le long de la colline.
Alors qu’ils se dirigeaient vers la ville, les coureurs esquivèrent les autres véhicules qui étaient sur leur chemin. Heureusement, ils se déplaçaient dans le même sens qu’eux, alors il n’y avait pas de risque de collision frontale. Cependant, un véhicule civil emprunta la route et s’approcha dans le sens opposé, mais Farkas se mit devant lui, risquant un face-à-face.
À quelques secondes du possible impact, la jeune rebelle s’accroupit sur sa monture, se servant de son poids pour la pousser vers le sol. Le réacteur émit un puissant sifflement, l’énergie se concentrant tout près de l’asphalte. Une gigantesque pulsation propulsa alors le lévicycle dans les airs, le faisant sauter au-dessus du véhicule qui fonçait sur elle.
« Tu ne m’impressionneras pas si facilement! » pensa Komotheit, alors qu’il s’approchait d’un semi-remorque, le suivant de près.
Se servant de la stratégie de Farkas, il s’accroupit pour faire sauter le lévicycle sur la remorque. Additionnant la vélocité du véhicule à la sienne, Komotheit appuya à fond sur l’accélérateur et bondit de nouveau sur la route, ce qui lui donna une grande longueur d’avance sur la rebelle.
« Vas-y Komo!! » cria Sora, même s’il ne pouvait pas l’entendre.
« J’avoue qu’il n’est pas si mal. » dit l’un des rebelles.
« Oui, mais n’oublie pas qu’il ne connaît pas la ville aussi bien que notre chef. » répondit son camarade.
« Ne le sous-estimez pas! » répliqua Emi. « Il trouvera le moyen de la vaincre, vous allez voir! »
« Allez tout le monde, on bouge! Nous allons les regarder d’un point élevé du centre-ville! »
Alors qu’Emi, Mejin et Sora montèrent avec les rebelles sur leurs lévicycles pour aller à un autre poste d’observation, Komotheit et Farkas s’approchèrent de l’entrée de la ville. La jeune femme était encore derrière le crystaliste, mais elle était loin d’être inquiète. Elle avait déjà préparé mentalement son itinéraire, prévoyant passer par quelques ruelles pour sauver du temps.
Komotheit par contre, ne connaissait pas la ville autant que Farkas. Tout ce qu’il avait était un souvenir semi-détaillé du plan topographique qu’il avait étudié avant de descendre sur la planète. Bien qu’il avait une vague idée d’où étaient positionnées la plupart des rues, cela n’allait pas être assez. Aussi étrange que cela pouvait paraître, son seul avantage sur son adversaire était son instinct.
Aussitôt qu’ils arrivèrent dans les rues du centre-ville, la rebelle prit un virage vers la gauche pour emprunter une ruelle. Elle savait que le crystaliste ne pourrait pas la suivre parce qu’il était devant elle et qu’un demi-tour serait nécessaire pour emprunter le même chemin.
Mais Komotheit n’était pas près de baisser les bras. Poussant l’accélérateur à fond, il sillonna les rues, tentant de trouver une sorte de rampe. Tout près d’un bâtiment, il aperçut au loin un échafaudage, ce qui allait faire l’affaire. Le crystaliste relâcha le guidon de sa main droite, une sphère d’énergie naissant dans le creux de sa paume. Il ouvrit le feu sur le baliveau, l’une des extrémités de la plate-forme tombant sur le sol alors que l’autre resta suspendue.
Souriant, Komotheit chargea à toute vitesse la rampe qu’il s’était créée, faisant un immense saut qui le propulsa au-dessus des édifices de la ville. En plein vol, il balaya du regard la position des rues de la ville et localisa exactement le pont qui servait de point d’arrivée. Lorsqu’il atterrit, il emprunta une rue, suivant maintenant le chemin qu’il avait tracé dans son esprit lors de son envol.
Il progressait maintenant le long d’une avenue bordée d’une chaîne ininterrompue d’édifices, comme s’il s’agissait d’un centre commercial. Le crystaliste accéléra de plus belle, n’ayant pas le choix de prendre la rue au fond de cette série d’immeubles. C’est alors qu’il aperçut du coin de l’œil l’entrée d’une étroite ruelle. Il décida de l’emprunter, sachant que cela allait lui sauver plusieurs minutes.
« Oh non… » dit l’un des rebelles.
« Quoi? Qu’est-ce qu’il y a encore? » demanda Emi.
« J’espère qu’il a fait ses prières, car il vient d’emprunter le couloir de la mort. »
« Hein?! » dit l’acolyte du rebelle. « Il est malade ou quoi? Il va se tuer!! »
« Le… couloir de la mort? » demanda Mejin à voix basse.
« Écoutez… » répondit le premier rebelle. « Dans cette longue série de bâtiments, il n’y a qu’une seule ruelle qui la traverse complètement. Mais elle est extrêmement étroite, soit à peine deux fois la largeur d’un lévicycle. »
« Et puis? » dit Emi. « Ça ne fera pas peur à Komotheit. »
« Pas juste ça… Il n’y a pas un, mais deux virages à 90 degrés. Le dernier qui a essayé de passer au travers n’a jamais été capable de marcher droit depuis. »
La Gardienne de la Terre eut un frisson de terreur, car elle savait que Komotheit était assez téméraire pour tenter le couloir de la mort.
Alors qu’il vit s’approcher le premier coude dans la ruelle, le crystaliste s’accrocha de plus belle sur sa monture. Un brin de folie s’emparant de lui, il poussa le moteur du lévicycle à fond, voulant obtenir le maximum de vitesse. Le virage allait être très serré.